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Une organisation quotidienne millimétrée

Elzabieta est maman de 4 enfants. Les 3 premiers sont atteints d’autisme, de types 1 et 2. Ils ont 9, 7 et 6 ans. La petite dernière a 15 mois.

 

Chez elle, tout est rangé dans des boites annotées. Des fardes épaisses contiennent tous les rapports et analyses de chacun de ses enfants depuis leur naissance. Tous les petits objets qui pourraient être dangereux sont soigneusement rangés dans des boites en hauteur, hors d’accès des enfants. Les murs sont recouverts de tableaux colorés de toutes les tailles, peints par les enfants.

 

Elzabieta gère tout toute seule. L’emploi du temps est réglé comme du papier à musique. Le matin, elle se lève à 5h30. Elle prépare les enfants, cuisine leur repas du midi, range, repasse. Une fois la porte franchie, le marathon de trajets de la journée commence. Elle les conduit à l’école, à la crèche, au centre de jour, puis aux nombreux rendez-vous médicaux : logopède, neurologue, neuropsychologue, psychomotricien-relationnel, hypothérapeute, salle de gym spécialisée pour enfants autistes.

Le marathon des rendez-vous

 

Elle fait les trajets en transports en commun autant que possible, mais les enfants font souvent des crises lorsqu’ils sont fatigués, ce qui devient très compliqué. Elle prend donc des taxis pour pouvoir les conduire à leurs rendez-vous, mais ça représente un gros budget. Chaque jour, elle conduit ses enfants dans 2 écoles différentes. Il existe un service de ramassage scolaire, mais comme ils font le tour de toute la ville, le trajet dure 1h45, à la place de 30min si elle les conduit elle-même. Une moyenne de 3h30 de trajets par jour, c’est beaucoup pour de jeunes enfants, et encore plus lorsqu’ils sont autistes.

 

Les week-ends elle trouve des activités pour occuper les enfants. Chacun de ses 3 enfants a une forme d’autisme différente, une manière de communiquer différente, avec ses propres sensibilités. Par exemple, un d’eux n’aime pas marcher tandis que les autres sont plutôt sportifs. Tous les 3 aiment beaucoup la peinture, alors parfois elle organise des journées peinture sur des grandes toiles. Elle les emmène aussi au parc de temps en temps, mais ça demande une sacrée organisation. La présence de la coéquipière peut être utile dans ce genre de situation. « J’aime beaucoup sortir, mais avec les 4 c’est compliqué. Il faut que ce soit dans un espace fermé pour qu’ils ne s’échappent pas, il faut qu’il n’y ait pas trop de monde, pas trop d’enfants. L’ainé fait beaucoup de crises, donc j’ai besoin de l'aide d’une autre personne pour emmener toute la bande. La dernière fois il m’a mordu au moment de rentrer, parce qu’il ne voulait pas partir »

 

L'annonce du diagnostique, puis un temps d'adaptation

L’ainé a 3 ans et demi lorsqu'Elzabieta entreprend une série de tests sur les conseils d'un professeur. Les deux ainés sont diagnostiqués autistes de type 2, et le plus jeune de type 3.

 

« J’ai eu très peur quand le premier diagnostic est tombé, car il y a beaucoup d’enfants autistes qui ne parlent même pas. J’ai dit ah non, mon enfant il doit parler ! J’ai commencé à chercher toutes les infos sur internet, voir comment je pouvais l’aider, ce qu’il était possible de faire. J’ai d’abord pensé que j’allais être dépressive toute ma vie avec des enfants comme ça. Puis en voyant les progrès que mes enfants faisaient, tout ce qu’ils apprenaient, ça m’a remonté le moral. »

 

Les années qui suivent, sa vie se transforme complètement, toute son énergie se concentre sur le bien-être de ses enfants. « Pendant 2 ou 3 ans, je ne voyais plus personne, je me concentrais uniquement sur mes enfants. Je me suis bagarrée avec ma famille et ma belle-famille, parce que personne ne comprenait la situation, ce que c’était l’autisme. » 

 

Elzabieta a tenté de combiner sa vie de maman solo avec un emploi, mais ses enfants sont souvent malades et demandent une attention particulière. Résultat : elle doit régulièrement prendre congé ou modifier ses horaires, ce qui ne plait pas aux employeurs. Aujourd’hui, elle a un projet professionnel : monter un groupe de cosmétique en tant qu’indépendante. « Comme ça je pourrai garder une flexibilité horaire et m’occuper de mes enfants. » Il lui reste encore quelques paramètres à régler, mais elle espère pouvoir commencer bientôt. 

Supporter le regard des autres

A l’extérieur, ce qui est compliqué c’est que peu de gens connaissent vraiment l’autisme. Par exemple si un autre enfant veut jouer avec un de ses enfants, s'il se sent forcé alors il va s'opposer. Elzabieta ne compte plus les fois où des étranger.es se sont permis.es de lui faire des remarques sur sa manière de s’occuper de ses enfants. « Un jour quand j’étais enceinte de ma dernière, je prenais le bus avec mes 3 enfants et comme ils sont turbulents, une femme m’a dit que j’étais inconsciente de faire encore un enfant alors que je n’arrivais déjà pas à gérer les autres. Au début j’étais écroulée après ce genre de remarque, je rentrais en pleurant. Aujourd’hui je me suis endurcie, et ça me passe au-dessus. »

Des moments pour décompresser

Elzabieta a deux sœurs sur qui elle peut compter, mais elle est surtout bien entourée par de bonnes amies et une super voisine. Celle-ci garde parfois ses enfants le soir une fois qu’ils sont couchés, pour qu'Elzabieta puisse sortir seule avec ses amies. Une vraie nécessité pour elle, car ce sont ces moments de lâcher-prise qui l’aident à tenir au quotidien. «J’aime les soirées karaoké, la musique disco, sortir au centre-ville. Ça me redonne de l’énergie, même quand je suis fatiguée le lendemain parce que je me lève à 5h pour m’occuper des enfants. »

 

Dans le récit de son quotidien, il y a aussi toutes les belles choses, la joie quand elle raconte les progrès de ses enfants, le déclic quand elle réussit à comprendre pourquoi l'un réagit de telle manière à une situation. L’arrivée de sa fille cadette, qui n’a pas d’autisme, a influencé positivement les plus grands. Surtout le second, qui a une forme d'autisme plus légère. "La présence de sa petite sœur le rend curieux, à l’écoute, il a envie de jouer avec elle. C'est un vrai bonheur de les voir ensemble!"

« J’ai eu très peur quand le premier diagnostic est tombé. J’ai d’abord pensé que j’allais être dépressive toute ma vie. Puis en voyant les progrès qu’ils faisaient, ça m’a remonté le moral. »

« Chacun de ses 3 enfants autistes a une forme d’autisme différente, une manière de communiquer différente, avec ses propres sensibilités. »

« J’aime les soirées karaoké, la musique disco, sortir au centre-ville. Ça me redonne de l’énergie, même quand je suis fatiguée le lendemain parce que je me lève à 5h pour m’occuper des enfants. »

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