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JOSÉ GARCIA : « IL N'Y A PAS DE CRISE DU LOGEMENT !» 

Depuis 1974, le Syndicat des Locataires lutte pour que soit reconnu en Belgique le droit à l’habitat, défini comme suit : « Toute personne a droit à un habitat décent dont la charge logement (loyer + charges) doit être compatible avec ses ressources ». Nous en sommes loin aujourd'hui, tant l'inadéquation entre coûts des loyers et revenus des locataires se creuse. Pourtant, selon José Garcia, son secrétaire général, parler de crise du logement est un leurre.

Non, il n'y a pas de crise de logement car il n'y a pas de pénurie de logements, il faut casser cette croyance. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, aujourd'hui en Belgique, il y a suffisamment de logements pour tous. Par contre on observe de plus en plus un phénomène de raréfaction artificiel de l'offre en logements, selon nous afin d'augmenter les prix en jouant sur la sacro-sainte loi de l'offre et la demande. La demande de logements très élevée fait effectivement face à une offre limitée, en particulier à Bruxelles. Il est alors facile de prétendre qu'il manque des logements, que la demande dépasse de loin l'offre, qu'il y a une crise, etc. Ce qui conduit trop facilement à dire qu'il est dès lors impossible de résoudre le problème et qu'il est normal que les prix soient si chers. Mais cette croyance est erronée.

Il y aurait donc suffisamment de logements pour tous ?

 

Effectivement car des milliers restent inoccupés. Dans le secteur, on admet qu'un bien peut normalement rester inoccupé six mois, le temps d'être rénové, rafraîchi, et être remis sur le marché locatif. C'est ce que l'on appelle le chômage locatif. Tous les biens vides qui dépassent cette demi-année d'inoccupation sont hors normalité. Or, rien qu'en Région bruxelloise, il y a entre 15 et 20.000 ! Des milliers de logements qui restent désespérément vides, alors qu'ils pourraient facilement trouver preneur. Surtout qu'on estime qu'au moins 5.000 d'entre eux sont habitables immédiatement, les autres allant du taudis à des biens nécessitant juste quelques réparations minimales. Notons que parmi ces logements qui restent vides, un pourcentage très important appartient aux pouvoirs publics. C'est énorme comparé aux quelques 150 logements sociaux que l'on construit annuellement. Et c'est sans compter les espaces de bureau. Toujours à Bruxelles, plus de 2 millions de mètres carré de bureau sont inoccupés ! N'y a-t-il pas moyen de réaménager une partie de ces espaces pour en faire du logement, notamment social ?

Il faut donc poser le problème différemment ? 

 

Exactement. Il ne faut pas parler de crise de logement mais de problématique du logement, à savoir l'inadéquation flagrante entre les prix des loyers pratiqués et les revenus des gens. Et cela en-dehors de toute logique.Habituellement on paie selon la qualité d'un bien. Si tu achètes une voiture d'occasion, il est logique qu'elle soit moins chère que la même voiture, neuve. Et bien cette logique n'est pas vraie pour le logement : un appartement en mauvais état sera quasi au même prix que le même appartement totalement rénové ! Nous constatons cela tous les jours. Et en particulier dans les quartiers les plus délaissés des villes. Bien sûr, une voiture on peut s'en passer, on peut attendre, mais un logement ? Une femme qui se retrouve à la rue avec ses enfants ne peut pas se dire « tous ces appartements sont insalubres et trop chers, je vais attendre quelques temps sous un pont le temps de trouver mieux pour un prix plus faible » ! Je vous le répète : cette logique de l'offre et de la demande conduit des familles à payer un taudis pour un logement de luxe ! Et cela toujours sous couvert de cette pseudo pénurie de logements... 

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Cette inadéquation entre prix du loyer et revenu est-elle plus flagrante aujourd'hui ? 

 

Si l'on se replonge dans les années 70 ou 80, le prix du loyer était bien plus faible, bien plus adapté aux revenus des gens. Depuis lors, et certainement depuis les années 90, le prix du loyer n'a cessé de croitre. Les charges étaient également moindres, se chauffer il y a 20 ou 30 ans n'avait rien de comparable avec la réalité actuelle. Par contre, les salaires, les retraites, les aides sociales n'ont pas suivi la même croissance. Pour se rendre compte de la réalité de la problématique du logement aujourd'hui, il suffit de mettre en regard le loyer moyen et le revenu moyen. A Bruxelles, le loyer est de 700 euros, le revenu est de 1200 euros...

 

Pour palier à cette inadéquation, il existe toute une sérié d'aides au logement. Sont-elles inadaptées ?

 

C'est assez paradoxal car le problème n'est pas dans le peu d'aides mais dans la multitude d'aides. Elles sont multiples mais ne concernent au bout du compte que des factions infimes de la population. Si tu es une femme enceinte cohabitante avec tel revenu tu as droit à cette aide, si tu es étudiant émargeant du CPAS et que tes parents sont divorcés tu as droit à celle-là. Je caricature mais ces mille et une aides concernent chaque fois vingt locataires, trente locataires,... Quand on multiplie l'ensemble de ces aides, cela ne fait pas grand chose. Ce que l'on demande c'est de rationaliser l'ensemble de ces aides, de choisir celle la plus adéquate, c'est-à-dire celle qui à la fois touche le plus de gens et à la fois soit la plus efficace, la plus rentable. Mais quand bien même, on en restera à gérer la misère. Ce qu'il faut c'est surtout traiter le problème en amont, à savoir des prix inadaptés. Pourquoi est-ce que les gens demandent des aides ? Parce que loyers trop chers. Pourquoi y a-t-il 45.000 demandes de logements sociaux à Bruxelles ? Non pas parce qu'il a 45.000 sans abris mais parce que la très grande majorité des ces 45.000 personnes ont déjà un logement mais sont mal logées. Ils veulent en partir parce que c'est trop petit, trop cher, insalubre, etc.

 

Traiter la problématique en amont passe selon vous par changer la loi ?

 

Oui. La loi actuelle autorise la fixation du loyer au gré de la discussion entre les parties, à savoir le propriétaire et le locataire. Or, cette relation est inégale, le locataire étant forcément obligé de se loger. La loi dit aussi qu'une fois que le prix du loyer est consenti « librement » entre les parties, il ne peut plus être changé. Il nous semble qu'il suffirait d'introduire dans la loi que si à un moment donné l'état du bien ne correspond plus au prix initial, le locataire peut contester ce prix convenu et exiger de le réviser. Si on mettait en place ce dispositif législatif, ne fut-ce que pour les biens de nécessité, on résoudrait plus de la moitié des problèmes. C'est une solution toute simple.

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