« UN BÉNÉVOLE SIMPLIFIE TANT LA RELATION»
Les a priori sont parfois tenaces. Je m’attendais à peut-être rencontrer une jeune femme au visage marqué par les galères de la vie, la fatigue, les désillusions. Tout faux. Elodie, pas encore trente ans, quatre enfants, avec un statut de SDF il n'y a pas si longtemps, est une femme pleine de vie, dynamique, hyper peps. Elle et son compagnon, Gaëtan, me reçoivent dans leur petite maison de Wavre, un logement social fraichement acquis. Danièle, la coéquipière qui l’a accompagnée pendant plus d’une année n’est pas présente, l’accompagnement s’étant clôturé fin de l’été.
« J'étais enceinte de ma 4ème fille lorsque j’ai fait appel au Petit vélo jaune. Comme Gaëtan travaillait alors du matin à très tard le soir, je me retrouvais seule. » Il faut préciser que le ménage et les trois filles se sont fait virer de chez les parents d'Elodie et enchainent logements d'urgence et de transition. Si Elodie a rompu le contact avec ses parents, ceux de Gaëtan habitent loin. « Et comme je passe chacune de mes grossesses en bonne partie alitée, me débrouiller seule me semblait difficile. » Avec un compagnon qui travaille tard et deux enfants dont deux de moins de quatre ans sur les bras, conduire la grande à l’école, faire des courses, ou juste prendre une douche, relève de fait souvent de l’exploit... « J'avais besoin de soutien, d'être soulagée, ne fut-ce que quelques heures durant la semaine. J'ai eu peur de ne pas y arriver seule, et j’ai préféré prendre les devants. » Sa gynécologue lui transmet le numéro de téléphone d'une assistance sociale de l’hôpital, qui à son tour lui donne la brochure du Petit vélo jaune et l’encourage à l’appeler. « Le premier contact a été très rapide, ce que j'ai trouvé très chouette. La coordinatrice que j’ai rencontré m’a présenté une feuille avec des bulles, afin de cibler mes attentes exactes. J'ai trouvé cela très utile afin de bien diriger l’accompagnement, de bien identifier vers où mettre l'accent. Sans doute aussi pour trouver le bénévole qui me correspondait le mieux. »
Accueillir une personne étrangère chez soi, à raison d’une fois par semaine et durant un an, n’est pas si évident. Elodie connaissait cette appréhension bien légitime, d'autant qu’elle n'aime pas trop que d’autres fassent les choses à sa place, qui plus est chez elle. Elle l’avait clairement expliqué à l'équipe du Petit vélo jaune. « Même si j'avais besoin d'être soutenue, je préférais faire le maximum moi-même. Au début, voir Danièle, la coéquipière, commencer à faire ma vaisselle me mettait totalement mal à l’aise, bien que je sache que Danièle le faisait gentiment, qu'elle avait envie de me fournir cette aide, qu'elle le faisait bénévolement donc avec la seule motivation de m'aider. » Une singularité du Petit vélo jaune primordiale pour elle : « C’est fou comme le simple fait que je sache qu'elle est bénévole, qu'elle me donne gratuitement de son temps, rend le contact tout autre, simplifie tellement la relation. »
Toujours à l'écoute de mes besoins
Danièle venait une fois par semaine, non pas à des moments fixes mais au gré des calendriers de chacune et des besoins d'Elodie. Pour éviter aussi que cela ne devienne contraignant, pour l'une ou pour l'autre. « Danièle a toujours été très à l'écoute de mes besoins, elle s'est beaucoup impliquée, que ce soit chez moi ou parfois de chez elle. Elle repartait avec mes problèmes en tête et revenait la semaine suivante avec des solutions. Danièle était là aussi le jour de mon accouchement, elle m'a aidé pour préparer ma valise, gérer les petites, faire le point avec moi avant d'aller à l’hôpital, etc. Cela m'a énormément touché.» La coéquipière avait près de trois fois son âge ? Un plus pour Elodie : « Elle avait plus d'expérience, davantage de choses à m'apporter qu'une femme qui aurait eu mon âge. Je savais que je pourrais avoir de bons conseils de sa part. Je l'observais notamment avec les filles, comment elle se comportait avec elles, jouait avec elles. Comme je suis une maman très épuisée, je ne me rends pas toujours compte de la façon dont je peux parler à mes filles. Dans la fatigue, je vais parfois faire une montagne pour quelque chose de finalement assez anodin. Je me prends aujourd'hui à régulièrement me ressaisir en me disant, non, Danièle ne ferait pas comme cela, elle serait plus patiente ou plus à l'écoute, et habituellement cela se passe mieux. ». Danièle aidait aussi Elodie à distraire les enfants, en l'incitant à sortir, à aller à tel ou tel endroit avec elles.
Se sentir valorisée
Mais peut-être surtout, Elodie s’est sentie sans cesse valorisée par Danièle, elle qui n’avait pas beaucoup d'estime de soi. « J’avais si souvent l'impression d'être une mauvaise mère. Danièle me disait que non, n'était jamais négative, me conseillait juste alors d’essayer différemment la prochaine fois. Toujours apporter la chose sur une note positive... cela m'a beaucoup aidé dans mon rôle de mère. »
Cet accompagnement l’a également encouragé à reprendre des études. « J'étais contente de lui montrer mes travaux, la manière dont j'évoluais, mes notes. J'avais besoin d'une personne pour m'encourager, me pousser à continuer malgré la difficulté de combiner cela avec quatre enfants. Maintenant j'arrive à beaucoup mieux gérer mon temps, c'est d'ailleurs pour cela qu'on a arrêté l'accompagnement. »