Alia, la difficulté de se projeter
La porte s’ouvre sur deux visages souriants. Alia nous accueille avec sa petite fille de 8 mois dans les bras. Elle nous invite à nous asseoir dans son salon parsemé de quelques jouets pour sa petite. Le papa vient nous saluer. Il travaille dans une usine de manutention, avec des horaires bien chargés. Avant de partir pour le travail, il attrape sa fille pour l’embrasser, qui répond par un sourire absolument craquant. Alia nous sert un verre d’eau puis commence à raconter.
Alia est guinéenne. Elle a quitté son pays et sa famille afin de trouver une vie meilleure quelque part en Europe. La Guinée figure parmi les cinq premiers pays en termes de nombre de demandeur·euse·s de protection internationale en 2018 en Belgique. [1] Elle vit d’abord au Portugal quelques mois. C’est là qu’elle rencontre son compagnon. Il est en vacances là-bas, mais travaille et habite en Belgique. Elle décide d’emménager en Belgique avec lui. Elle débarque alors dans un nouveau pays, où elle ne connait personne à part son compagnon.
Peu de temps après, Alia tombe enceinte. C’est son premier enfant, et à toutes les préoccupations d’une future maman s’ajoute le stress des démarches pour sa demande d’asile en Belgique. « Ce n’était pas facile comme période, ils m’ont annoncé que j’allais peut-être devoir retourner au Portugal pour avoir mon enfant. J’avais peur de devoir partir.»
La situation en Guinée est critique. Le 5 septembre 2021, un coup d’état a lieu. Alia suit le conflit à distance, via internet. Sa famille est restée au pays. Elle prend des nouvelles dès qu’elle peut, mais la connexion n’est pas toujours bonne. « Tout a changé là-bas, tout est sous régime militaire maintenant. La vie est devenue très chère, ils mettent tous ceux qui sont proches de l’ancien président en prison, ils cassent des maisons. Je m’inquiète beaucoup pour ma famille. »
C’est dans ce contexte angoissant qu’Alia donne naissance à sa fille, loin de sa famille. À l’hôpital, lors de sa grossesse, Alia entend parler du Petit vélo jaune. Elle décide de prendre contact, et rencontre alors Annick, sa coéquipière. « J’avais envie d’une personne qui soit présente pour moi. On a fait beaucoup de choses ensemble avec Annick. Elle m’a donné de l’énergie, elle m’a boostée. » Le rôle de la bénévole n’est bien sûr pas d’apporter des réponses ou des solutions dans le cadre des démarches complexes que représentent une demande d’asile, mais plutôt d’être à l’écoute de la maman, d’être une personne de confiance avec qui elle peut partager ses doutes et ses peurs.
Alia possède en ce moment une attestation d’immatriculation, aussi appelée « carte orange ». Il s’agit d’un document de séjour provisoire pour les ressortissant.es de pays tiers ayant engagé une procédure, qui prouve qu’une demande de séjour est en cours. Elle donne à la personne un droit de séjour temporaire durant cette période. Ce document doit être renouvelé tous les 1 à 6 mois.[2]
Sa fille a aujourd’hui 8 mois. Alia se sent bloquée, elle a du mal à se projeter. Elle n’a pas encore droit au CPAS et dépend pour l’instant entièrement de son mari. Elle aimerait pouvoir travailler, mais elle a étudié les relations internationale et son expérience professionnelle est liée à la diplomatie de son pays. «J’aimerais reprendre des études, apprendre quelque chose, je suis vraiment motivée à travailler, mais pour l’instant c’est très compliqué. »
[1] Commissariat Général Aux Réfugiés Et Aux Apatrides, le traitement réservé par les autorités nationales à leurs ressortissants qui retournent, 02 juillet 2019.
[2] FEDASIL, glossaire https://www.fedasilinfo.be/fr/glossary/attestation-dimmatriculation-ai-carte-orange
« Ce n’était pas facile comme période, ils m’ont annoncé que j’allais peut-être devoir retourner au Portugal pour avoir mon enfant. J’avais peur de devoir partir. »
« J’aimerais reprendre des études, apprendre quelque chose, je suis vraiment motivée à travailler, mais pour l’instant c’est très compliqué. »